Alors que la crise s’est intensifiée et que les gouvernements du monde entier ont conçu des plans de gestion de la pandémie, beaucoup se sont penchés sur les avantages des réseaux de surveillance numériques.
Grâce à l’arrivée des réseaux 5G et à l’augmentation des débits mobiles, la surveillance numérique permet de tracer les contacts en quasi-temps réel. À la clé : une identification et une gestion rapides des sujets infectés au niveau des villes ou des groupes sociaux, la prévision des besoins en ressources médicales pour une allocation adaptée de ces moyens, ainsi qu’un contrôle du respect des réglementations et directives locales d’urgence.
Plusieurs pays ont déjà utilisé cette méthode avec succès. En Corée du Sud, le gouvernement s’est appuyé sur la géolocalisation mobile, les caméras de surveillance et les données de transactions par carte bancaire pour établir les chaînes de transmission. Il a également publié des communiqués et des journaux de déplacements anonymisés sur les sujets testés positifs. De son côté, Israël a autorisé les opérateurs mobiles à partager les données de géolocalisation des smartphones et à pister l’historique des malades du COVID-19.
En Chine, Alipay a lancé une plateforme qui capture l’historique des données de géolocalisation mobile à certains « points de contrôle ». La plateforme identifie les citoyens potentiellement infectés à l’aide d’un code couleur et partage les informations pertinentes avec les forces de l’ordre locales. La Russie lui a emboîté le pas avec des initiatives similaires de traçage des données de géolocalisation mobile.
Aux États-Unis, le directeur du CDC (Center for Disease Control) Robert Redfield insiste sur le besoin de traçage intensif des contacts. Il souligne également les efforts des pouvoirs publics pour évaluer des solutions technologiques capables d’améliorer l’efficacité de cette surveillance. Alors que le plan du pays pour la mise en place de systèmes de surveillance numérique est toujours en cours d’élaboration, les scientifiques et les entreprises technologiques étudient des méthodes de traçage indépendantes des flux continus de données directes de géolocalisation.
En France, l’application StopCovid a été développée. Une fois installée sur le téléphone, celle-ci permet à un utilisateur dépisté positif au coronavirus de pouvoir informer les autres utilisateurs avec qui il a été en contact pendant plus de quinze minutes et à une distance inférieure à un mètre. Pour localiser les appareils à proximité, StopCovid utilise la fonction Bluetooth.
Front commun des géants du numérique
Google et Apple, deux géants mondiaux de la tech, ont récemment annoncé le développement conjoint d’API nationales de traçage des contacts. Ces API utiliseront les données Bluetooth transmises entre des appareils mobiles pour déterminer leur proximité sans collecter les données de géolocalisation de leurs utilisateurs. Chaque équipement connecté à Internet possède une adresse IP unique qui permet de l’identifier. Or, nous sommes nombreux à tout faire pour dissimuler ces adresses comme l’explique l’auteur de cet article australien (en anglais).
Une fois cette technologie activée, les smartphones échangent des signaux de vérification anonymisés, aussi appelés « clés » ou « chirp ». Ces signaux changent régulièrement au bout de quelques minutes pour empêcher d’établir un lien entre un identifiant quelconque et une personne donnée ou son appareil. Les téléphones stockent ces informations en local pendant 14 jours et enregistrent toute rencontre avec d’autres utilisateurs de l’application.
Si les utilisateurs sont testés positifs au coronavirus, ils pourront autoriser le partage de leurs interactions anonymes localement via le cloud pour informer ces contacts de leur exposition à la maladie. Apple et Google comptent implémenter très bientôt ces fonctionnalités directement dans les logiciels iOS et Android pour permettre à leurs utilisateurs d’activer cette option sans devoir télécharger d’autres applis.
Le Massachusetts Institute of Technology (MIT) a été le premier institut d’enseignement à déployer des technologies de traçage des contacts par Bluetooth via son application SafePaths, suivi par Stanford avec son application COVID Watch. Récemment, un groupe de recherche de l’Union européenne a également identifié et publié son meilleur protocole pour le traçage par Bluetooth, baptisé Pan-European Privacy-Preserving Proximity Tracing (PEPP-PT). En ce qui concerne la sécurité de la technologie Bluetooth, certaines craintes répandues semblent avoir été mises de côté pour le moment. De fait, le MIT a lui aussi publié son projet de protocole PACT, open source et respectueux de la vie privée, pour le partager avec les principaux leaders de la tech, les exhortant à l’exploiter.
Pour ou contre le traçage numérique des contacts ?
À l’instar du scanner de reçus de Wave, les innovations sur le front des applications de numérisation et de traçage ne se limitent pas au secteur de la santé. On les retrouve en effet dans d’autres secteurs, comme les banques et la finance. La nouvelle approche de traçage numérique des contacts offre plusieurs avantages non négligeables par rapport au traçage classique et aux autres méthodes de surveillance numérique.
Contrairement aux techniques traditionnelles de traçage des contacts généralement basées sur les souvenirs des patients, le traçage numérique offre une approche évolutive. À mesure que le coronavirus continue de se propager à travers le monde, il est peu probable que les méthodes traditionnelles subsistent compte tenu du bataillon de professionnels de santé qu’elles mobilisent. La participation facultative, la modification fréquente des clés et la courte durée de stockage des données des solutions de traçage numérique garantissent des niveaux de confidentialité bien plus élevés que la plupart des systèmes déployés dans le monde.
En Corée du Sud, les activités de surveillance du gouvernement reposent sur les données de géolocalisation mobile, les transactions par carte bancaire et les caméras de vidéosurveillance pour pister les personnes infectées et prédire les points chauds de l’épidémie. Avec l’aide des forces de l’ordre, le gouvernement chinois impose l’adoption de logiciels qui identifient les individus à risque et délivrent des autorisations de déplacement dans l’espace public. Ce type de surveillance intensive n’a cependant aucune chance de faire l’unanimité.
Le nouveau projet d’Apple et de Google devrait encourager une adoption à l’échelle nationale tout en protégeant mieux la vie privée des utilisateurs que de nombreux autres systèmes de surveillance numérique internationaux. Récemment, la sécurité du cloud s’est grandement améliorée. En outre, puisqu’Android et iOS équipent presque 99 % des appareils mobiles aujourd’hui, Apple et Google sont les mieux placés pour étendre un outil de traçage numérique aux 77 % de Français et aux 50 % (ou presque) de la population mondiale qui possèdent un smartphone ou une tablette.
Les géants du secteur ont les moyens de respecter les exigences de conformité tout en développant un produit destiné au grand public, le tout dans des délais record. Les éclairages offerts par le système pourront être partagés uniquement avec les organismes de santé publique afin de faciliter la gestion de la pandémie. Ces données de traçage des contacts pourraient bien jouer un rôle crucial dans l’élaboration des politiques locales et nationales.
Si la solution de traçage des contacts annoncée par Apple et Google présente un potentiel immense par rapport aux approches traditionnelles, les craintes pour la vie privée et la confidentialité des données restent un frein majeur à son adoption. Aux États-Unis, certains comparent les initiatives de traçage numérique actuelles à une atteinte du gouvernement à leur vie privée similaire à l’intensification des dispositifs de surveillance des citoyens survenue après les attentats du 11 septembre.
En pleine pandémie, l’une des principales craintes suscitées par de tels systèmes concerne la désanonymisation des signaux ou clés. Dans ce cas, leurs utilisateurs pourraient être régulièrement suivis à la trace.
À l’heure où les cyberattaques se multiplient, l’hébergement dans le cloud des données de traçage confidentielles comporte également un risque, puisqu’un pirate pourrait désanonymiser chaque liste consolidée d’identifiants. Les États pourraient également tenter d’imposer l’utilisation et l’adoption de ces techniques. Outre la protection des données, des doutes sur leur qualité et leur caractère exploitable laissent craindre une inefficacité de ces programmes.
Des informations éventuellement incomplètes (distance exacte entre les appareils, durée de l’exposition, etc.) pourront entraîner des faux positifs, en particulier dans des bâtiments à forte densité de population où seul un mur sépare les habitants. En théorie, des faux positifs pourront également survenir si un problème empêche un téléphone de transmettre un signal Bluetooth ou en cas de brève interaction non détectée.
En somme, pour favoriser l’adoption d’un nouveau système, il sera probablement essentiel de désamorcer les craintes liées à la confidentialité et au respect de la vie privée, ainsi que les vents de panique inutiles. Ainsi, ce système aura une influence considérable sur le développement de nouveaux comportements de société.
Essor des biomarqueurs numériques
La pandémie de COVID-19 a favorisé la généralisation des solutions électroniques de santé à travers le monde en balayant tous les obstacles à l’adoption de ces technologies. La santé numérique s’est immiscée sans peine dans notre quotidien à l’heure où les politiques nationales encouragent les consultations virtuelles, le suivi des patients à distance, les essais cliniques numériques et la surveillance des biomarqueurs digitaux pour faire face à l’urgence. Pour le magazine Medical Futurist, les biomarqueurs numériques désignent « des données que les consommateurs collectent eux-mêmes sur leur santé ou la gestion de leur maladie par le biais de technologies médicales pour expliquer, prédire ou agir sur leur état de santé ».
Le développement des connaissances sur certaines de ces innovations, un nouveau cadre mondial et les avantages des soins fondés sur la valeur pousseront sans aucun doute les autorités et les mutuelles à soutenir ces innovations et d’autres encore. Et à l’avenir, les retombées devraient profiter aux systèmes de santé numérique pour éviter les doubles emplois.
La surveillance des biomarqueurs continuera de prospérer dans le « monde d’après ». En produisant des données de suivi de l’épidémie (sur les interactions avec des patients contaminés, par exemple), ces marqueurs se sont révélés inestimables pour la diffusion d’informations à grande échelle. Tant qu’ils sont sécurisés, les biomarqueurs numériques affichent des niveaux de rapidité, de continuité et de coûts-bénéfices inégalés par rapport aux instruments et aux réactifs. Résultat global : de meilleurs diagnostics. On peut donc s’attendre à ce que les solutions diagnostiques numériques se multiplient dans des spécialités comme la cardiologie et la psychiatrie.
NB : Cet article a été rédigé par un contributeur externe en vue d’offrir à nos lecteurs une plus grande variété de contenus. Les opinions qui y sont exprimées sont uniquement celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement la position de GlobalSign.